Si de plus en plus de recherches s'intéressent à ce sujet, les médecins malades ou handicapés, les professionnels de santé ou encore le personnel hospitalier (infirmier, infirmière...) reste un sujet délicat qui soulève de nombreuses questions. On a tendance à oublier que s'ils sont soignants, ils restent des patients, qu'ils soient infirmiers, infirmières, soignants, soignantes, praticiens, praticiennes, leur objectif restent le même, appliquer les meilleurs soins médicaux aux patients présents dans les hôpitaux lors d'une hospitalisation ou ailleurs… Confrontés à la maladie ou au handicap, ils peuvent avoir des problèmes de perception sociale et leur propension à retarder ou compliquer leur prise en charge.
Cependant, l'adaptation et la résilience qu'ils peuvent avoir face à leur maladie ou leur handicap les ouvrent à une forme de prise en charge singulière, même pour certains qui sont là par vocation.
Admettre son humanité en tant que médecin
Une enquête réalisée en 2018 par le Conseil national de l’ordre des médecins révélait que seuls 27% des médecins ont un médecin traitant référent, et seuls 30% des médecins malades se sont arrêtés de travailler alors que leur état de santé le recommandait.
La désorganisation des services de soins et les difficultés des médecins malades à pouvoir se faire remplacer justifient ce second point, les données de l'enquête est révélatrices : les médecins ne ‘peuvent’ pas être malades, leur dévouement mais aussi parfois leur fierté s’expriment à contrario de leurs besoins et de leur santé.
Les médecins « ne peuvent pas » tomber malades, et parfois leur orgueil s'avère préjudiciable à leurs besoins et à leur santé. Une phrase de Voltaire, qui ouvre également cette étude, invite à s'interroger sur les préjugés professionnels qui peuvent peser sur les soignants et les patients : "Rien n'est plus ridicule qu'un médecin qui ne meurt pas naturellement de vieillesse." Heureusement, la prise de conscience de cet enjeu public a nettement évolué depuis.
Médecins-malades et automédication
La pression sur l'erreur, la rapidité du travail et les préjugés possibles peuvent amener tout le monde, y compris les médecins, à oublier qu'eux aussi sont des patients et méritent la même chose. Cela conduit à une tendance à l'indifférence et à l'automédication, au risque de passer à côté de quelque chose ou de symptômes.
De nombreux médecins, lorsqu'ils ont découvert qu'ils étaient malades, étaient donc en charge au moment où leur maladie était avancée et manifeste. Le problème, c'est ce retard de diagnostic : automédication, rejet pour non consultation de tiers et banalisation. Si le médecin traitant a généralement une vue d'ensemble des dossiers patients qu'il suit depuis longtemps, il est très difficile d'envisager une parfaite impartialité et l'équivalent de la vigilance et de la bienveillance à la prise de connaissance de son dossier, même s'il y a été tenu avec la même rigueur que pour les tiers.
Il arrive aussi qu'une fois le diagnostic posé, le médecin-patient rejette les traitements proposés par ses médecins traitants, compliquant sa prise en charge. Cette condition peut conduire à un déni complet de l'existence de leur pathologie. Une anecdote étonnante expliquée par un oncologue qui a soigné un médecin pour un cancer, que le médecin malade a effectué tous ses traitements mais qu'à aucun moment il n'a avoué qu'il avait eu et vaincu le cancer par la suite. D'après le médecin traitant, il n'a jamais eu de cancer, c'est le discours qu'il a prononcé devant son oncologue.
Si en cas d'urgence l'un des premiers enseignements tirés est sa sécurité et celle de son équipe avant l'intervention d'un tiers, en médecine il ne semble pas y avoir de terrain d'entente sur la surveillance par un tiers ou le repos.
Même avec un diagnostic, la difficulté à passer d'un état à un autre peut entraver le processus et donc même la plupart de ces professionnels sont conscients que la thérapie est une partie importante des soins.
Handicap chez les professionnels de santé
L'image d'un médecin en parfaite santé a également un impact négatif sur l'acceptation du handicap par les professionnels établis et ceux qui exercent, dans une optique d'inclusion, leurs capacités, les forment, voire les soignent. Cela a poussé les étudiants et les médecins à les cacher, renonçant ainsi à des avantages - ou plutôt à des compensations encore considérées comme mauvaises aujourd'hui. Cependant, ces derniers constituent une aide à la formation qui peut s'avérer précieuse tant qu'il s'agit de recherche médicale.
Franck, qui était interne en radiologie et était sourd du à une méningite à l'âge de 7 ans, témoigne des discriminations auxquelles il a été confronté dans le milieu étudiant. "J'ai côtoyé des jeunes qui allaient devenir médecin et qui ont estimé que je ne pourrai pas devenir un médecin à cause de mon handicap ». Il raconte aussi que son ami est en fauteuil roulant depuis qu'il est enfant et qu'il a lui-même reçu des conseils de jeunes collègues pour choisir un stage sans garde : « Ils avaient peur de le faire à notre place."
Handicap et choix de spécialité
Même si la loi oblige les écoles à faire des changements spécifiques pour les internes en situation de handicap, comme Franck, par exemple, beaucoup soulignent que le choix de spécialité qui reste souvent conditionné par ce dernier : « Si, après tous ces obstacles, une personne en état de handicap arrive quand même au bout de ses études, c'est qu'elle aura tendance à se tourner vers des spécialités plus adaptées : anatomopathologie, radiologie, spécialités de laboratoire… », soit fréquemment en retrait du grand public et en majorité, car les postes ne sont pas adaptés pour un professionnel handicapé.
La confraternité et l’entraide ordinale
Des modèles sont développés et affinés chaque jour pour relever les défis auxquels les professionnels de la santé peuvent être confrontés.
L’entraide ordinale est inscrite dans le serment médical. Le serment qui en 1996 a été réactualisé par le Pr. HŒRNI, dit : " J’apporterai mon aide à mes collègues et à leurs familles dans l'adversité". Le concept se retrouve dans un terme plus utilisé à l'heure actuelle, la confraternité, qui désigne la solidarité que doivent faire preuve le personnel médical entre eux, aussi bien d’un point de vue préventif que soignant. Le Dr Bouet le définit ainsi :
Accompagner le professionnel de santé dans sa vie au travail
Dépister rapidement les situations et les comportements jugés à risque
Prévenir les arrêts d'activité
Faire savoir les risques de l'exercice, ce qui ne sont pas liés à la responsabilité professionnelle
Éduquer à la prévoyance
Mettre en place tous les moyens liés à l'organisation et à la documentation, pour apporter des solutions personnalisées à toute crise.
Les ONG et institutions, dont les conseils de commande, œuvrent dans ce sens et ont permis l'ouverture de nombreux centres ces dernières années pour apporter un soutien aux médecins et apporter des solutions spécifiques aux problèmes sont de plus en plus acceptées.
Résilience et compréhension
Qu’il soit inné, qu'il ait créé une vocation ou influencé un choix sur l'orientation ou qu’il soit acquis et ait modifié son rapport à son propre emploi, le handicap peut constituer une force.
Les recherches actuelles sur ce sujet montrent que les médecins malades ou handicapées ont tendance à être plus attentionnés et à accepter leurs patients. Un article de 2016 du AMA Journal of Ethics gravite autour de l'idée qu'un médecin en bonne santé, lors des consultations, ne penserait pas au fait que son patient à un handicap et souhaite faire du sport, par exemple.
Le Dr Lezzoni a porté une étude sur l'équivalent de 233 soignants par rapport à leur compréhension du handicap. La conclusion montrait que « seuls 18% des soignants non concernés par une maladie neuromusculaire imaginent réellement ce que leurs patients vivent contre 92 % des soignants en situation de handicap ». Malgré la résolution de ce dernier, la solution ne consiste pas à faire prendre en charge le patient par des personnes ayant la même condition médicale, mais plutôt par des soignants qui ne sont pas malades, devant "faire un effort supplémentaire d'empathie". Cette étude met en lumière l'une des forces potentielles que peut contenir le parcours d'un médecin spécialisé dans le conseil aux patients handicapés.
À l'heure où les Jeux paralympiques de Tokyo touchent à leur fin, nous constatons qu'au-delà de l'empathie et du handicap, cela n'empêche pas de faire des choses que les gens ordinaires ne peuvent pas faire.
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